Histoire - Quand le Général était à Bayeux

Avec Guillaume le Conquérant, il est certainement la personnalité historique la plus étroitement liée à la ville de Bayeux. Par deux fois, le général de Gaulle a foulé les pavés de la cité bajocasse. Par deux fois, il est venu à la rencontre des Bayeusains et à travers eux, s’est adressé aux Français.

14 juin 1944

Les alliés ont débarqué sur les terres normandes il y a un peu plus d’une semaine. Dans la région, les combats font rage. Le général de Gaulle, qui n’a pas foulé le sol français depuis plus de quatre ans, débarque entre Graye et Courseulles-sur-Mer. Invité par Winston Churchill à visiter la tête de pont établie par les alliés, le Général compte surtout profiter de sa venue pour rétablir la légalité républicaine sur les territoires libérés. Sa crainte de voir les alliés décider de l’avenir de la France a été confortée quelques jours plus tôt : les opérations du Débarquement ont été lancées sans lui.

Accueilli sur la plage par les Britanniques, il se laisse conduire jusqu’au quartier général de Montgomery, chef des opérations militaires anglaises, installé au château de Creullet (Creully). Les alliés d’outre-Manche ont préparé un itinéraire bien précis pour le général de Gaulle. Mais le futur Président français, méfiant, n’est pas un homme que l’on dirige. Il veut parler aux Français, aux Normands, et souhaite le faire à Bayeux, la ville la plus proche. Ainsi il y envoie en éclaireurs ses hommes de confiance : le contre-amiral Thierry d’Argenlieu, le colonel Hettier de Boislambert et Gaston Palewski, son directeur de cabinet. Le général Koenig et François Coulet, futur commissaire régional de la République, font également partie du convoi. Les hommes sont chargés de prévenir les habitants de la venue du Général dans l’après-midi.

À Bayeux, tout se fait très vite : on informe les riverains à coup de porte-voix, on installe à la hâte une petite estrade sur la place du Château (future place du général de Gaulle), et on appelle l’électricien pour la mise en place d’un micro et de haut-parleurs. Maurice Schumann, la voix de la résistance sur Radio Londres, arrivé dès le 7 juin à Bayeux, et Guillaume Mercader, chef du mouvement local de résistance OCM (Organisation Civile et Militaire), sont aux premières loges et accompagnent la délégation.

À 15h30, le général de Gaulle arrive dans la cité bajocasse. Accompagné du général Béthouart, il remonte à pied et avec ses hommes, la rue principale. Saint-Jean, Saint-Martin, Saint-Malo, Général de Dais : une rue après l’autre, le cortège se gonfle d’habitants admiratifs et émus. Après un bref passage par la Sous-Préfecture, le général de Gaulle rejoint la foule. L’estrade a été installée sous les arbres : le combat n’est pas fini, les avions survolent la zone, il faut protéger le plus grand résistant français. Dans son allocution, le Général appelle à poursuivre la lutte et promet « d’assurer la souveraineté du pays sur chaque pouce de territoire libéré ».

Avant de partir pour Isigny-sur-Mer, le général de Gaulle attribue à François Coulet et Raymond Triboulet (Sous-Préfet de Bayeux et premier Sous-Préfet de la France Libre) leurs nouvelles missions. Bayeux est, jusqu’à la libération de Paris le 25 août, la capitale administrative des territoires libérés.

16 juin 1946

À l’occasion du second anniversaire de la Libération, le général de Gaulle – qui ne s’est pas exprimé depuis qu’il a démissionné en janvier 1946 de ses fonctions de Président du Gouvernement provisoire, choisit Bayeux pour sa rentrée politique. Le 16 juin 1946, il revient donc là où, deux ans plus tôt, il prononçait son premier discours en France libérée. Cette fois, avec le « discours de Bayeux », il pose les bases de ce qui deviendra la Ve République.

En juillet de la même année, on renommera la place du Château, place du général de Gaulle, en souvenir de ses passages historiques à Bayeux.