Histoire - Gravée dans la pierre

Depuis toujours, l’homme a utilisé la pierre comme témoin de son passage. Peintures, inscriptions, gravures... Ces traces du passé sont disséminées au cœur du bâti, au détour d’une rue ou d’une impasse. Parfois considérés comme des dégradations, les graffiti ont fini par se révéler de véritables témoignages historiques...

Stigmates du passé

Quand on pense « graffiti historiques », on pense immédiatement aux édifices religieux. À juste titre ! À Bayeux comme ailleurs, ces bâtiments parmi les plus anciens recèlent de véritables pépites. La Cathédrale notamment, avec sa pierre de Caen si tendre et facile à sculpter, conserve en son sein les marques des passages successifs de nombreux artisans : maçons, horlogers, organistes, sonneurs de cloche ont ainsi immortalisé leur venue.

Trois-mâts gravé dans la pierre - Cathédrale de Bayeux © Ville de Bayeux

Si jusqu’au XVIIe siècle, les dessins – bateaux, châteaux, soldats, rosaces... – priment, les textes deviennent par la suite plus nombreux. Comme cette inscription d’horlogers : « JEHAN ET I CARREL, RICHARD LE DANOYS FILZ DE OGIER LE DANOYS, ORLOGIERS EN CESTE EGLISE ». Au XVIIe siècle, Jean et Richard devaient entretenir et régler les mécanismes du carillon, abrités dans la tour centrale.

Graffiti probablement réalisé par des horlogers (XVIIe siècle) - Tour centrale de la Cathédrale de Bayeux © Ville de Bayeux

Dans la tour sud, c’est un dessin de l’ancienne porte arborée de la rue Saint-Loup qui est représentée (actuelle place au Bois). Détruite peu avant la Révolution, elle devait être visible de son auteur qui, sans le savoir, a laissé la seule représentation actuellement connue de la façade nord de cet élément du mur d’enceinte médiévale.

Graffiti de la façade nord de l'ancienne porte arborée de la rue Saint-Loup - Cathédrale de Bayeux © Ville de Bayeux

Empreinte indélébile

Souvent dissimulés dans les parties inaccessibles au public, les graffiti sont moins nombreux à l’extérieur... Mais il y en a ! Le plus insolite se trouve peut-être en face de l’impasse Prudhomme, rue Lambert Leforestier. À environ 2,50 mètres de hauteur, sur le contrefort de la Cathédrale, une inscription en latin est encore visible. En voici la traduction : « Le quatrième jour de Pâques, nous, membres du clergé, avons enterré la vieille qui repose ici, et nous sommes plus mécontents d’avoir perdu ce jour de réjouissances que si cent vieilles semblables étaient mortes ». Datées du 24 avril 1116, ces quelques lignes font référence au décès d’Isabelle de Douvres, la soeur de Richard, alors évêque de Bayeux. Les chanoines de la Cathédrale, en plus de graver à jamais leur mécontentement, ont laissé un indice quant à la présence d’un cimetière au pied de la tour Sud.

Graffiti en latin - Contrefort de la Cathédrale de Bayeux © Ville de Bayeux

Marqueurs contemporains

Bien que plus récentes, d’autres inscriptions fournissent des indications sur le passé de Bayeux. Les façades regorgent notamment de surprises picturales. En levant les yeux rue de la Chaîne, on peut apercevoir les restes de l’indication « Café au 1er ».

Restes d'inscription, rue de la Chaîne à Bayeux © Ville de Bayeux

Rue Tardif, c’est l’histoire du garage Maingot qui transparait.

Restes d'inscription, rue Tardif à Bayeux © Ville de Bayeux

Légende

Un peu plus loin, place au Bois, l’ancien café du Tramway a laissé sa marque sur la façade de l’actuelle supérette et d’anciennes publicités se devinent encore au-dessus du salon de coiffure : « stalles à l’année, écuries, hôtels... ».

Restes d'inscription "Café du tramway", place au Bois à Bayeux © Ville de Bayeux

Restes d'inscriptions, place au Bois à Bayeux © Ville de Bayeux

La plus insolite des marques peintes à Bayeux est peut-être le « TT 40 » de la rue des Bouchers : l’inscription a été réalisée en 1944 lorsque la 50e division d’infanterie anglaise libéra la ville. Son insigne, deux T, fait référence aux rivières Tyne et Tees qui traversent sa province d’origine. La flèche vers la droite indique la place Saint-Patrice où était installé le quartier général de la division, indiqué réglementairement par le numéro 40.

Restes de l'inscription "TT 40", rue des Bouchers à Bayeux © Ville de Bayeux

Témoignages, souvenirs, stigmates... Les graffiti font partie intégrante de la mémoire bayeusaine. Et ce n’est pas Mnémosyne, déesse de la mémoire, sculptée sur une façade rue Franche, qui dira le contraire...

Sculpture de Mnémosyne, rue Franche à Bayeux © Ville de Bayeux

Le saviez-vous ?

Un tremblement de terre en 1775 - Les graffiti ne concernent pas que les bâtiments « publics » : certains se cachent dans nos maisons ! Comme cette pierre d’une demeure rue Saint-Loup, évoquée dans le 22e bulletin de la Société des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Bayeux : « Sur une pierre des communs, une inscription gravée probablement par les ouvriers qui construisirent, rappelle que le 30 décembre 1775 à 10 heures 30 du matin, il y eut un tremblement de terre à Bayeux ».