Histoire - Ces Bayeusains qui ont résisté

Dès 1940, les premiers réseaux de résistance s’organisent en France. À Bayeux et dans le Bessin, zone envisagée pour un débarquement militaire, le travail de renseignement est particulièrement important. Au péril de leur vie, certains habitants se sont mobilisés pour lutter contre l’ennemi.

Germaine LIMEUL et Julia PICOT, « Les Colombes de la Tour »

Germaine Limeul et Julia Picot, respectivement âgées de 35 et 41 ans en juin 1944, étaient institutrices à l’école La Poterie. D’abord affiliées au réseau Alliance, elles rejoignent l’OCM* en novembre 1943 après que la Gestapo a démantelé leur premier groupe. Elles font d'ailleurs partie des rares résistants locaux qui échappent aux arrestations qui touchent Alliance. Pour l'OCM, elles poursuivent leurs missions de renseignement. L’Hôtel du Gouverneur où elles résident – hôtel particulier de la rue Bourbesneur doté d’une tour extérieure – sert de « boîte aux lettres » au réseau : elles y centralisent les informations collectées sur le territoire avant de les faire remonter à leurs supérieurs situés à Caen. La radio du réseau - par l'intermédiaire du capitaine Ferdinand Rodriguez-Redington, nom de code "Pie" - émet également depuis la tour. Leur adresse, couplée à leur activité, leur valut le surnom de « Colombes de la Tour ».

Pierre et Lucien DESPRAIRIES

Les frères Desprairies, 23 et 19 ans en juin 1944, s’engagent rapidement au sein de l’OCM*. Leur mission de renseignement ne s’arrête pas avec le Débarquement : les alliés s’appuient sur les réseaux de résistance pour collecter des informations concernant la situation derrière les lignes ennemies et adapter leurs stratégies. Pierre et Lucien font partie des 31 volontaires à être formés spécialement pour cette tâche. Dans un témoignage à lire dans l’ouvrage Été 44 : Bayeux, ville-hôpital, Lucien cite son père Henri Desprairies, médecin chef à l’hôpital de Bayeux, qui lui dit à son retour d’une mission particulièrement dangereuse dans le secteur de Tilly-sur-Seulles qu’il serait « mieux à faire son travail à l’hôpital plutôt qu’à faire le "couillon" entre les lignes ». Le jeune étudiant en médecine entrera dès le 12 juin 1944 à l’hôpital complémentaire Jeanne d’Arc avant de s’engager, à la fin de l’été 1944, dans l’armée française. Pierre deviendra quant à lui chef de cabinet de François Coulet, premier commissaire régional de la République, participant ainsi à l’installation administrative de la France libre à Bayeux.

Antoine MERCADER

Frère du célèbre Guillaume Mercader, le responsable de l’OCM* dans le Bessin, Antoine Mercader a lui aussi joué un rôle important au sein du réseau. Avec les frères Desprairies (voir précédemment), il fait partie des volontaires formés par les alliés pour poursuivre les missions de renseignement après le Débarquement. Il est en binôme avec Lucien lors de leur action dans le secteur de Tilly-sur-Seulles. Il y est blessé au bras avant d’être ramené sain et sauf à Bayeux grâce à la détermination de son ami. Antoine Mercader est facilement identifiable sur les photos qui ont immortalisé la venue du Général de Gaulle à Bayeux le 14 juin 1944 : l’homme au bras en écharpe, c’est lui !

Madeleine BRANELLEC et son fils Denys

Adjointe de Guillaume Mercader au sein de l’OCM*, Madeleine Branellec – nom de code « Françoise » – avait 42 ans en juin 1944. En plus de ses missions de renseignement, elle assure le recrutement de nouveaux membres et l’organisation des groupes du réseau. Son fils Denys est agent de liaison. Il se porte volontaire avec trente autres jeunes hommes pour poursuivre ses missions de renseignement après le Débarquement. Tous deux apporteront également une aide précieuse aux réfractaires du STO : avec le réseau, ils feront fabriquer, imprimer et diffuser de faux papiers. Denys aura également participé à la diffusion de journaux de propagande anti-occupant.

Le sacrifice ultime

Si Germaine Limeul, Julia Picot, Madeleine et Denys Branellec, les frères Desprairies et Antoine Mercader ont échappé aux arrestations, à la déportation et à la mort, ce n’est pas le cas de tous les combattants de l’ombre. Rien qu’à Bayeux, douze personnes ont été déportées et quatre ne sont pas revenues des « camps de la mort ». D’autres ont été arrêtées ou fusillées. Et parmi ceux qui sont revenus des camps, certains sont décédés des suites de leur détention.

* OCM, Organisation Civile et Militaire, est un réseau de résistance français. Guillaume Mercader en devient le responsable local fin 1943, après le départ forcé de Robert Delente.

Sources :

  • Bayeux et le Bessin 1940-1944, Vie quotidienne, résistance, déportation, libération – Mai 1996
  • Été 1944 : Bayeux, ville-hôpital – Édition spéciale de la SABL de Bayeux – 33e volume – 2004