Patrimoine - Le tramway de Bayeux

En 2022, la Ville de Bayeux s'est dotée d'un nouveau petit train touristique, électrique. L'occasion pour la Ville de revenir sur l'histoire d'un autre train qui, au début du XXe siècle, a été le premier à fouler les pavés de la cité bajocasse…

D’intérêt public

Au milieu du XIXe siècle, les grandes lignes ferroviaires voient le jour dans l’Ouest de la France : la toute nouvelle ligne Paris-Cherbourg permet notamment de relier la Normandie à la capitale et offre de nouvelles perspectives pour les hommes d’affaires puis les premiers touristes qui goûtent alors aux joies des bains de mer. À l’époque, pas de véhicules personnels, pas de bus ni de taxis : le train est vu comme une révolution commerciale et sociale. Pour les habitants et les élus des communes non desservies par les grandes lignes, le constat est sans appel : il faut un réseau secondaire pour permettre aux habitants et commerçants de profiter de ce nouveau moyen de transport et de communication. Ainsi naissent les « tramways ». Déjà en 1889, le Maire de Bayeux, Monsieur Niobey, vantait les avantages d’une telle installation ; dans un exposé présenté en conseil municipal, il explique ainsi que « tous les autres arrondissements sont sillonnés de chemins de fer qui les mettent en rapport entre eux et avec les localités environnantes » et que « seul, dans le Calvados, l’arrondissement de Bayeux en est encore réduit à l’insuffisant service de la ligne de l’Ouest ».

Bayeux-Port : 45 minutes

Démonstration faite de l’intérêt d’un réseau ferroviaire local, Bayeux voit, à l’aube du XXe siècle, trois lignes mises en service dans ses rues :

  • Bayeux–Caumont-L’Éventé ;
  • Bayeux–Port-en-Bessin ;
  • Bayeux–Courseulles-sur-Mer via Arromanches-les-Bains.

Des gares sont implantées à divers endroits stratégiques. Associées à de nombreux arrêts – parmi lesquels la rue Larcher, la place au Bois, le jardin botanique ou encore le Pont Trubert – elles permettent aux Bayeusains de rejoindre Port-en-Bessin en 45 minutes, Arromanches-les-Bains en 1 heure ou Courseulles-sur-Mer en 1 heure et 45 minutes. Si certains bâtiments sont encore visibles – comme l’actuel accueil des Bybus face à la gare ou la maison des chauffeurs parking d’Ornano – d’autres ont disparu après la fin de l’exploitation des rails, après-guerre. C’est notamment le cas de la gare Saint-Patrice dont il ne reste aucune trace. Dans un article de janvier 1975, la presse locale fait état d’un « immeuble devenu vacant » qui sera démoli « dans le cadre de la rénovation du quartier Saint-Patrice ». L’époque du « tacot » est révolue…

La gare Saint-Patrice (ci-dessus) voyait de nombreux Bayeusains emprunter le tramway pour rejoindre le jardin botanique ou Port-en-Bessin.

 

L'ancienne Gare des Chemins de Fer du Calvados face à la gare SNCF (ci-dessus). Le bâtiment abrite aujourd'hui l'accueil Bybus (ci-dessous).

 

Place au Bois AVANT/MAINTENANT

On devine encore l'inscription "Café du Tramway" au-dessus de l'actuelle supérette.

 

Aujourd'hui utilisée par les chauffeurs d'autocars, la "Maison des chauffeurs" s'appelait avant gare Sadi-Carnot.

Que de souvenirs

Finalement, le tramway de Bayeux aura animé le quotidien des habitants durant tout juste trois décennies ; sans charbon, sans entretien, en déclin, les trois lignes disparaissent entre 1930 et 1933. Endommagées après les bombardements de 1944, les voies sont déferrées au lendemain de la guerre et irrémédiablement supprimées. Aujourd’hui restent les souvenirs glanés çà et là dans des correspondances ou des ouvrages. Comme cette anecdote découverte dans le bulletin n°32 (2000) de la Société des Sciences, Arts et Belles-Lettres de Bayeux où Jean-Claude Simand raconte que le tramway « assurait un spectacle à chaque passage » place aux Pommes : point de séparation entre les lignes Bayeux–Port-en-Bessin et Bayeux–Courseulles-sur-Mer, le tramway devait y être manœuvré grâce à une aiguille. « Cette dernière avait, en plus d’un fonctionnement qui n’a jamais vraiment donné satisfaction, une courbe postérieure d’un rayon extrêmement serré. » Il ajoute que les riverains, « souvent sollicités, se lassèrent très vite d’utiliser la barre de fer laissée en permanence à cet endroit » ! Désormais, c’est un petit train touristique qui anime d’avril à octobre les rues bayeusaines. En phase avec son époque, le train électrique ne nécessite pas l’intervention des riverains !

18FI6 © Archives du Calvados